La bosse des vagues (05)

L’Escargot, à Sète encore, fait ci-dessous sa fête à Brassens, dont il a visité ce jeudi le petit trou moelleux, au cimetière Le Py, où il passe sa mort en vacances.

[les invités de la nouba du jour : Mireille, Josiane Balasko, Coluche, Barbara, Charles Trénet, Jean Carmet]

[les textes sont extraits de La tour des miracles, roman de Georges Brassens paru en 1954]



[Mireille et Brassens - Quand un vicomte]


« En ce temps-là nous habitions Montmartre. Une maison miraclifique de sept étages par temps calme et de six les jours de bourrasques. Nous occupions tout l’étage amovible et l’avion baptisé “l’abbaye Gré-du-vent”, mais chez les pupazzi de pacotille on ne le désignait pas autrement que sous le nom de “tour des miracles” par allusion à la fameuse cour de malandrins. »



[Josiane Balasko - La complainte des filles de joie]


« Des personnes de tous les sexes et de toutes les origines vivaient au sein de notre Camorra et tel issu de basse source se frottait à tel autre né de la cuisse de Jupiter. On vivait en communauté. On vivait en promiscuité. On exigeait de tout nouvel adepte l’épreuve du lit de Procuste, le redoutable bandit de l’Attique. On accourcissait les plus longs et on allongeait les plus courts, car on pensait à tort ou à raison que la différence de taille est un facteur de discorde sociale. »



[Coluche - Le gorille]


« Les grands, en effet, sont les seuls à se cogner la tête à la suspension et à fendre l’âme des moyens grâce à leurs bosses multiples. Il en résulte chez les petits, privés de cette délicieuse compassion, une manière de sentiment de jalousie nuisible à la bonne harmonie. Il y aurait évidemment, susceptible de remédier à cet inconvénient, un stratagème qui consisterait à abaisser la suspension au niveau du cap des petits. Mais alors, dans ce cas, les grands, forcés de se baisser pour se faire des bosses ou de renoncer à exciter la pitié des moyens, sècheraient à leur tour de jalousie et la bonne harmonie n’y gagnerait rien. »



[Barbara - La femme d’Hector]


« La raison sociale de notre Camorra variait, elle aussi, selon le vent, les conjonctures et les lubies de toutes sortes. Tantôt nous nous érigions en colporteurs de fausses nouvelles, tantôt en “perturbateurs de spectacles”. Un clou chassait l’autre et la Confrérie des “introducteurs de canaillerie dans les âmes pures” cédait le pas au “Club des apôtres du croc-en-jambe”, lequel ne tardait pas à se voir supplanté par la “Société de propagation des maladies honteuses”. »



[Charles Trénet et Brassens – Le grand café, Tout est au duc, Le petit oiseau]


« On accédait à notre abbaye par un de ces petits escaliers raides et étroits que l’on appelle ordinairement escaliers ou échelles de meunier. Les marches en étaient toutes rongées des vers que le propriétaire de l’immeuble — ami des bêtes au point de se refuser à la thérapeutique d’une gale antédiluvienne — nous empêchait d’exterminer. Il en manquait un certain nombre de ces marches ! Il suffisait d’emprunter l’escalier pour qu’il en manquât une de plus. Extrêmement difficile donc de monter chez nous sans se casser une jambe.
Ça se savait. Les fâcheux se le disaient. Les créanciers, les huissiers et les policiers, incapables de nous atteindre, calquaient prudemment leur attitude sur celle du renard gascon :
— Ils sont trop verts et bons pour des goujats, disaient-ils.
Ils appelaient alors notre demeure inexpugnable “l’abbaye-de-Monte-à-regret”. »



[Jean Carmet - Le bistrot]

Aucun commentaire: