Le retour de l'escargot (1/4)

Le trapèze est réinstallé au-dessus de la page blanche. Je suis confortablement assis(e) et je me balance doucement. C’est si bon d’être rentré(e). À mes côtés, Caracol lit le dernier livre de Jacques Jouet, Le Cocommuniste.

Le voyage de retour a été long. C’est loin, Sète, pour un escargot. À la vitesse de 4,68 mètres par heure, il m’aurait fallu pas moins de quarante-quatre ans pour traverser la France du sud au nord si j’avais compté sur mon seul pied pour avancer.
Même en sécrétant le meilleur mucus, quarante-quatre ans c’était bien trop long. Je serais mort avant ! J’ai donc emprunté divers moyens de transport pour rentrer plus vite.

Un poids lourd sétois rempli d’huîtres de Bouzigues peu bavardes m’a conduit jusqu’au viaduc de Millau où il a fait halte. J’en ai profité pour admirer le magnifique pont à haubans, dont les grandes jambes franchissent la vallée du Tarn, en compagnie d’une famille de petits gris autochtones. J’ai passé la nuit avec eux, au bord d’un talus.

Le lendemain matin, ils m’ont conseillé de me glisser dans un cageot de salades qu’un transporteur devait livrer à Clermont-Ferrand.

Arrivé(e) à destination, j’ai dû m’arrêter là pendant plusieurs jours. Il faisait encore très chaud en ce mois de septembre et comme chacun sait, le manque d’humidité nuit aux escargots. Je me suis donc rétracté(e) à l’intérieur de ma coquille, j’ai mis en place mon petit épiphragme, et dodo.

Réveillez-moi à la saison des pluies !

Trois semaines d’inactivité avant de me dégourdir la jambe et de reprendre la route. J’étais en pleine forme, bavant d’énergie. Mais comment quitter Clermont ? Remonter dans un camion ne me tentait guère.

Cheminant lentement, je repérai une magnifique moto, un shopper rutilant, d’un mauve fuchsia brillant. Je remarquai d’abord le guidon de bicyclette en acier chromé, encadré par deux énormes rétroviseurs, les deux sièges en cuir, le plus bas pour le conducteur, le plus haut, en surplomb, pour le passager. Je dressai mes cornes pour voir, arrimée à l’arrière de la moto, une énorme tête de mort. Bouche ouverte sur des dents gigantesques, crâne recouvert d’un foulard de pirate, le teint grisâtre, la tête semblait tout droit sortie d’un décor de train fantôme à la foire du Trône. (à suivre)

Texte : Joëlle Olivier
Illustration : www.flyingmouse365.com

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