Ce matin, le soleil a bon appétit (14)

16 août 1977 : la mort d’Elvis Presley.
16 août 2013 : Elvis (n’)est (pas) mort.
La preuve ci-dessous, par l’image, le son et le texte (extraits de Fonction Elvis, Laure Limongi, éditions Léo Scheer, 2006) :


[Hound Dog - 1956]

« Pour les onze ans d’Elvis, la bicyclette prévue est remplacée par une guitare. On ne tombe pas d’une guitare. En réponse, il déclare à sa mère vouloir lui acheter une Cadillac rose bonbon, quand il sera grand, et une maison pas en bois mais en “vrai dur”. Et il chantera bien mieux que le rossignol dans sa cage dorée. Elvis veut le risque et le trop. Sans le savoir, encore. Creuset de désirs dans un corps contraint. Juste un regard derrière une vitre. Dans une cage misérable. »


[That’s Alright Mama - 1968]

« À treize ans, arrivée à Memphis. Les Aventures de Captain Marvel Junior occupent Elvis davantage que l’école. C’est un super-héros. Jours ordinaires, nuits fantastiques, ambivalent, comme tous les super-héros. Elvis est un gentil garçon. La rencontre onirique aux couleurs des comics monopolise son imagination, peuple ses journées de fantasmes brillants. BING, BAM, VROUM, SCRATCH ! Tourne la page pour découvrir. »


[Trouble, extrait du film King Creole - 1958 (réal. Michael Curtiz)]

« Elvis pousse la porte de chez Sun, un studio d’enregistrement, “pour offrir un disque à sa mère”. C’est son anniversaire, dit-il. Mais ce n’est pas son anniversaire. Elvis entre chez Sun enregistrer un disque pour quelques dollars. Discrètement. La secrétaire remarque ses longs cils, sa courtoisie. Elle note. Il dit “Madame”, il dit “Monsieur”, referme la porte doucement. Il faudrait un Blanc capable de chanter comme un Noir — pense Sam Phillips. Il cherche. Ce serait le jackpot — ajoute Sam Phillips, mâchonnant son cigare. »


[Blue Suede Shoes]

« Elvis apparaît. Monte sur scène. C’est un électrochoc. Elvis est un cyclone, Elvis est un harcèlement. Un incendie. Blanc avec une voix de Noir. Une chimère, un scandale. Il maîtrise les émotions, les éléments. Le feu marche avec lui. Eddie Bond, vedette locale ulcérée par ce genre inédit, dangereux, lui dit qu’il ferait mieux de se consacrer à la conduite de son camion. Toute une époque de chanteurs gominés est rendue obsolète, ternie en un seul instant. La cruauté de la gloire. Acclamés un jour, compassés le lendemain. Du sublime au ridicule. Choc générationnel. Et puis le look de ce garçon. Silhouette immédiatement reconnaissable, étincelante, coiffure démente. Plastique comme un bloc de vinyle fondu. Déchaînée ensuite, tressautant au rythme des soubresauts d’Elvis. Une houle incandescente. »


[One Night]

« Elvis incarne l’avènement de l’adolescence. De son accès au sexe et à la démesure. Socquettes blanches et cheveux lâchés. Les filles crient, hurlent. “Le même bruit que cinquante jets qui décollent en même temps.” Hound Dog. Joue-t-il de la guitare ou lui fait-il l’amour ? “Une explosion atomique d’émotion juvénile.” Meute exaltée, enragée. Elvis crée un âge entre l’enfance et le monde des adultes. Un âge révolté, rauque, survolté, sensuel. “En quelques secondes, le plus gentil garçon du monde se transformait en fauve furieux, déhanché. C’était Jekyll et Hyde.” »


[Love Me Tender]

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