Ce matin, le soleil a bon appétit (06)

[© Vanessa Bell - Studland Beach]


Il fait un temps superbe dans Les vagues de Virginia Woolf (trad. Cécile Wajsbrot), au son d’une playlist de dix titres : cinq nouvelles versions de Summertime [nous dédions celle de Jeanne Lee à Lucien Suel] et cinq morceaux spécial été itou :

— Une chenille s’est enroulée, un anneau vert, dit Susan, crénelé de pattes émoussées.
— L’escargot à coquille grise traverse le chemin, couche les brins d’herbe sur son passage, dit Rhoda.
— Et la lumière des flammes luit par la vitre comme un éclair sur le gazon, dit Louis.

Le soleil du soir dont la chaleur était partie après avoir répandu son intensité brûlante donnait un velouté aux chaises, aux tables, les incrustait de losanges bruns et jaunes. Soulignée d’ombre, leur masse semblait alourdie, comme si la couleur s’était inclinée, concentrée d’un côté. Il y avait le couteau, la fourchette et le verre, mais étirés, bombés, solennels. Bordé d’un cercle d’or, le miroir figeait la scène dans son œil comme si elle allait durer à jamais.
Et les ombres s’étiraient sur la plage ; l’obscurité épaississait. La botte noire comme un fer devenait une flaque bleu foncé. Les rochers perdaient leur dureté. L’eau qui entourait le vieux bateau avait foncé comme si des moules y trempaient. L’écume devenue livide donnait parfois au sable flou l’éclat blanc d’une perle.

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