Le retour de l'escargot (4/4)

Les Escargots ailés avaient plié bagage et remontaient vers le nord.
Interprétant cette rencontre comme un signe du destin, je décidai de me joindre à ceux qui allaient peut-être me rapprocher de mon trapèze ou, qui sait, m’y ramener une bonne fois pour toutes.

La joyeuse et imposante caravane se remit en marche, pour une lente traversée du centre de la France, qui devait conduire tout ce petit monde à Paris. Parfois, le cirque dressait son chapiteau dans une ville ou un village pour quelques représentations.

J’étais un escargot heureux. Toute la troupe m’avait adopté(e), hommes et bêtes.
Paula Valéry, la dresseuse de tigres, me trouvait très exotique et voulait absolument m’intégrer à son numéro, mais je refusai catégoriquement. Même s’ils avaient belle allure avec leur fourrure rousse rayée de noir, je ne voulais pas partager une cage avec des mammifères carnivores. Par contre, j’acceptai, au pied levé, de rendre service au célèbre illusionniste italien Bernardo Cormieri, dont l’un des tours mettait en scène une blanche colombe. Cette dernière venait de lâcher les Escargots ailés pour suivre d’un coup d’aile une tourterelle rieuse qui avait su l’embobiner avec ses roucoulades.
Le magicien humilié, abattu par la trahison des tourtereaux tourterelles, menaçait de ne plus entrer en piste. Mais c’était sans compter sur le directeur du cirque, pour qui The show must go on, y compris les jours de tempête. Puisqu’il n’y avait plus de colombe pour sortir du chapeau, ni de lapin savant, pourquoi pas un escargot ? Après tout, l’important n’était pas l’animal mais le caractère magique de son apparition !
Flattant l’ego de Cormieri, le rusé directeur mit en avant le caractère exceptionnel, voire novateur d’un tel numéro. Jamais un escargot n’avait surgi d’un chapeau. La prochaine représentation serait une première mondiale, qui assurerait définitivement le succès international à l’illusionniste ! Cormieri, convaincu, m’engagea sur-le-champ.
Pour que les spectateurs me voient mieux, on me couvrit de paillettes fluorescentes, qui me changèrent en luciole colimaçonne du plus bel effet.
Je m’amusais beaucoup.

Après plus de trois mois de voyage, camions et caravanes atteignirent Paris. À regret, je dus quitter mes nouveaux amis. Cormieri, inconsolable, se cramponnait à mon péristome. Au terme d’adieux déchirants à l’orée du bois de Vincennes, je m’accrochai au porte-bagages d’un Vélib’, navré d’en avoir fini avec ce long voyage sud-nord, mais heureux de remonter bientôt sur le trapèze où j’allais retrouver mon si cher caracol.

Texte : Joëlle Olivier
Illustration : pebblepixie.deviantart.com

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