François Ier : libellule ou papillon ?

« Le Pape est mort, un nouveau Pape est appelé à régner. Araignée !... »

À quoi reconnaît-on un pape ?

À sa soutane blanche
Elle permet à tous ceux – fort nombreux – qui ne parlent pas le latin, l’italien ou le vaticanais, de le distinguer entre tous. Il convient de préciser que, comme aux femmes de la riante Arabie sous leur niqab, il n’est pas interdit au Saint-Père d’enfiler sous sa robe falbalas, fanfioles et fanfreluches (sauf pendant le carême). Rappelons en outre, pour ceux qui ne sont pas contemporains du Concile de Trente, que le noir est réservé aux prêtres, le violet aux évêques, le rouge du sang des martyrs aux cardinaux et le rose aux joueurs du Stade Français. Nous vous épargnerons les variantes, qui pourraient troubler l’auditoire.

À sa calotte blanche
Strictement réservée au souverain pontife.
Dans ses mémoires, Sœur Tobiana Sobodka, que les jaloux surnommèrent Herbe de bison, rapporte que Jean-Paul II, féru de balle au pied, échangeait volontiers quelques passes avec les gardes suisses dans les jardins pontificaux — la religieuse polonaise s’extasie (NDLR : les mystiques ont l’extase facile, déformation professionnelle oblige) sur le talent de son pape, passé maître dans l’art du marquage à la calotte (que Sœur Sobodka nous invite, dans une note de bas de page, à ne surtout pas confondre avec le chat-bite).
Friand d’anecdotes plumitives, l’Escargot ne résiste pas au plaisir de rappeler que, dans l’un des premiers volumes de son Journal littéraire, Paul Léautaud, au lendemain d’une muffée mémorable au Lacryma Christi en compagnie de Léon XIII, écrit, lapidaire et diminué : « Calotte de plomb, troubles de la vue. »

À ses mules de velours rouge
Car le pape marche beaucoup depuis qu’il est descendu de la sestia gestatoria. Notons que Jean-Paul II avait opté pour des escarpins brun rouge. Heureusement, Benoît XVI a rétabli le strict usage du rouge très rouge. Il n’a pas, en revanche, renoué avec la tradition du baisement des pieds, ce que d’aucuns regrettent. Voir d’aussi près les mules du pape marque à vie un fidèle. Pour preuve le récit qu’en fait Montaigne dans son Journal de voyage en Italie. (NDLR : ne pas confondre les petits chaussons avec la mule du pape d’Alphonse Daudet.)

À sa papamobile immatriculée SCV1
Après la Lictoria équipée d’un petit trône, offerte par André Citroën à Pie XI en 1930, ont succédé la Cadillac de Pie XII, la Mercedes de Jean XXIII puis de Paul VI — ce dernier confirmera la suprématie motoristique nippone en adoptant une Toyota dans les années 70. Aucun véhicule pontifical ne saurait alors aller sans un panier de pique-nique, ainsi qu’une malle cabine contenant une partie de la paramentique papale — la mosette de Lyon, le camauro, le gonfanon, la pince Monseigneur, l’anneau piscatorial avec sa canne à pêche, le chalumeau en or et le dromaludaire en argent, la tiare, six bouteilles de Châteauneuf-du-Pape et six de Pape Clément, de même que deux éventails à long manche, frangés à leur sommet de plumes d’autruche (flabelli), etc.
Après 1981, tout change, et voilà enfin une italienne avec la papamobile à verrière conçue par Fiat pour Jean-Paul II. Le pape sortant, homme de son temps, aimait bien se promener en 4x4 décapotable, mais ne négligeait pas la Mercedes à vitres blindées de son prédécesseur. On n’est jamais trop prudent quand on est pape.

À ses bulles
Elles sont multiples et il se plaît à les fulminer : grandes bulles pour les grandes occasions, petites bulles pour le tout-venant et demi bulles (bulla dimidiata) lorsque le nouveau pape n’est pas encore consacré.
Fulminée le 1er avril 470, la Bulla Saponis de Saint Simplice, excommuniant le prince barbare Sigismer pour avoir éhontément culbuté une Burgonde sans l’autorisation du Saint-Père, est restée célèbre dans l’Histoire, au point d’avoir donné naissance à l’expression populaire « passer un savon (à quelqu’un) ».
On soulignera enfin que, parmi les risques encourus par un pape durant son pontificat, celui de coincer la bulle représente l’un des plus terribles, qui peut aller jusqu’à ébranler les fondements mêmes de l’Église une, sainte, catholique, apostolique et romaine.

À son nom et son numéro matricule
Jusqu’à hier soir 19 heures, deux questions taraudaient les catholiques du monde entier et les bookmakers de la planète : qui serait le prochain pape et quel nom choisirait-il ?
Les pronostics allaient bon train, mais aucun n’avait convaincu l’Escargot. Il ne s’agissait pas tant des noms que des numéros d’ordre : Pie XIII, Jean XXIV… Voilà des papes qu’on se met mal en bouche. Voici des papes mal embouchés. Quant à Pie VII, il convenait certes à son propriétaire, car tant qu’à se décalotter devant Napoléon… Mais Paul VII !...
Jean XXIII était tout en rondeur… mais Jean XXIV ! On cherche Jack Bauer.
Impossible de choisir Jean-Paul III. Par superstition.
Mais, diront les esprits malins, pourquoi pas Sixte VI, Anaclète II ou Sénéphore II ?
Et pourquoi pas Louis XIV, pendant qu’on y est ?
Ou Marignan MDXV ?
À cela l’Escargot répond : nous sommes au XXIème siècle. Il faut un pape les deux mules rouges dans la modernité (si conservateur fût-il). Un pape Facebook, un pape Twitter, un pape Instagram, un pape Copains d’avant. Un pape Trombi Ier. Bref : un pontife numérique, un Saint-Père informatique. Qui sache combiner les 0 et les 1 sur ses grandes et petites bulles.

C’est pourquoi, par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, l’Escargot, que la chose littéraire titille, décrète, en dépit des gauchos dans la pampa, du tango et des bandonéons, qu’un nom et un seul s’impose, que voici, que voilà :


Ce nom possède l’immense avantage de concilier tradition et modernité et, de plus, comme disait madame Hanska, il plaira aux Polonais nostalgiques du pape réactionnaire dont nous tairons le nom.

1 commentaire:

Fernand Chocapic a dit…

Il y avait donc bien des choses intéressantes à dire sur le Pape. Très beau travail d'investigation.