Bram Van Velde : effort vers l'invisible

Quand j’ai vu pour la première fois l’émission de télévision réalisée par Jean-Michel Meurice, les premières images du peintre hollandais Bram Van Velde m’ont bouleversée. C’est l’été, à Grimaud. Assis devant un parterre de fleurs estivales, blanches comme son fauteuil en osier, je me souviens de son rire, de son regard tourné vers l’intérieur et surtout de ses silences. Bram Van Velde va avoir 85 ans.
« Il a toujours voulu s’éloigner des mots, des explications qui n’expliquent rien. Il parle d’une histoire fragile. De la nécessité de laisser son mystère à la peinture », écrit Charles Juliet dans son livre Rencontres avec Bram Van Velde.

• EXTRAIT DE L’ÉMISSION TV FENÊTRE SUR (PREMIÈRE DIFFUSION : 7 OCTOBRE 1980)

Bram Van Velde : Je vois vraiment peu.
Voix off : C’est curieux pour un peintre de dire « je vois peu » ?
[rire]
BVV : Oh, Je crois que je ne vois pas grand-chose, je vois… vraiment peu. […]
Non, c’est pas… c’est que le réel m’intéresse très peu. Ça n’a presque pas d’importance. Seulement je me trouve bien ou pas bien. Ici je me sens bien parce qu’il y a quelque chose qui vous calme, surtout il y a pas de bruit. Le bruit me fait terriblement souffrir. Et puis évidemment j’ai fait un tel effort dans ma peinture. Au fond c’est un effort vers l’invisible qui me quitte jamais et seulement le tableau me fait voir. C’est le moment où on vit, vous voyez…
J’arrive parfois à faire un seul tableau qui me fait vivre. Je n’ai qu’à y penser et je suis un homme qui vit.
On joue un peu sa vie avec la peinture.
• CHARLES JULIET, RENCONTRES AVEC BRAM VAN VELDE, P.O.L., 1998

« Ce texte a été publié pour la première fois en 1978 par Fata Morgana.
Lorsque commencent ces rencontres, Charles Juliet est un homme en proie au doute, à la détresse (ses journaux rendent bien compte de ces années noires) et Bram Van Velde un artiste dont la notoriété est loin d’atteindre celle qu’il connaîtra plus tard. Mais sa rigueur, son intransigeance, sa volonté d’aller toujours plus loin dans une démarche qui n’est pas sans évoquer celle des mystiques sont lumineuses et produisent sur Charles Juliet une grande impression. Sont ici retranscrites les paroles brèves de Bram Van Velde, si pleines d’énergie et si profondes, et les circonstances des rencontres, les pensées qu’elles inspirent à Charles Juliet. »

11 août 1972 - extrait [P.48]

- Réaliser une toile, c’est faire que tous ces éléments parviennent à une unité. Une unité d’ailleurs précaire, fragile.
- On connaît plus souvent l’échec que la réussite. En peinture comme dans la vie.
- Il faut se laisser dominer.
- Quelque chose cherche à naître. Mais je ne sais pas ce que c’est. Je ne pars jamais d’un savoir. Il n’y a pas de savoir possible. Le vrai n’est pas un savoir.
- Les mots ne sont rien. Ils ne sont que du bruit. Il faut beaucoup s’en méfier. Quand je vais vers la toile, je rencontre le silence.
- Ce monde mécanique nous asphyxie. La peinture, c’est la vie.
- La vie n’est pas dans le visible.
- La toile me permet de rendre visible l’invisible.

Nous nous rendons dans le garage qui lui sert d’atelier. Quatre gouaches sont punaisées sur des panneaux de bois appuyés contre le mur. Elles représentent son travail de ces dernières semaines. On les sent peintes à la hâte. Tous les mouvements du pinceau y sont lisibles. Des couleurs mêlées, lourdes, sauvages. Mais parfois, de délicates transparences. Une grande légèreté.
Je remarque qu’il n’emploie jamais de couleurs pures.
- C’est ainsi. Les couleurs me sont imposées. Si elles étaient pures, ce serait faux.

2 commentaires:

Didier a dit…

Bonjour. je crois que Philippe Djian a écrit une histoire en partant d'un des tableaux de Bram.

JOËLLE OLIVIER a dit…

Bonjour. Ah je vois en tout cas qu'il a écrit ceci :
http://philippedjian.canalblog.com/archives/2011/08/28/21756983.html
Merci pour cette piste !